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Lorsque Béatrice Carbonneau finit par le laisser tranquille, Yannick sombra dans le sommeil, mais il ne dormit pas longtemps. Une main se posa doucement sur son bras. Il ouvrit les yeux et aperçut Ocelus à son chevet, lair soucieux.

— Que se passe-t-il, mon frère ? s’inquiéta Yannick en se redressant.

— Je veux seulement te parler…

— La dernière fois que nous avons pris le temps de parler, c’était bien avant la création de cette agence. Est-ce que quelque chose te tracasse ?

— En quelque sorte.

Ocelus prit place sur le bord du lit, hésitant.

— C’est bien la première fois que je te vois aussi désemparé.

— Te souviens-tu de ce qui s’est passé lorsqu’on t’a demandé d’entraîner Océane ?

— Tu es amoureux ! comprit Yannick.

— Je n’en suis pas certain.

— Qui est l’élue de ton cœur ?

— C’est celle que tu appelles Cindy.

Yannick en demeura bouche bée.

— Et c’est un peu sa faute, poursuivit son compagnon. Elle se met si souvent en danger que je dois constamment venir à son aide.

— On n’est pas obligé de tomber amoureux de tous ceux qui appellent au secours, Ocelus, réagit finalement Yannick.

— Elle n’est pas comme les autres. Elle vit dans ce monde profanateur, mais son cœur est demeuré pur. Elle est devenue une agente de l’ANGE sans aucune arrière-pensée. Elle veut seulement sauver le monde, comme nous.

— Es-tu en train de me dire que tu as trouvé ton âme sœur ?

— Je suis surtout confus… C’est pour cette raison que je sollicite tes conseils.

— Te souviens-tu de la punition qui nous est infligée lorsque nous partageons le lit d’une mortelle ?

— Nous perdons une partie de nos pouvoirs. Mais cela ne t’a pas empêché de poursuivre le travail que le Seigneur nous a confié.

— Mais je dépends désormais de toi pour me déplacer.

Piteux, Ocelus baissa la tête. Ses boucles noires retombèrent mollement devant ses yeux.

— Je ne veux surtout pas te rendre malheureux, tenta de l’encourager Yannick. Je m’en voudrais pour l’éternité. Alors, voilà ce que tu pourrais faire : courtise ta belle, mais ne couche pas avec elle. De cette façon, ton cœur sera content et tu ne perdras pas tes pouvoirs.

Ocelus leva un regard reconnaissant vers Yannick.

— C’est une excellente idée. Merci, Képhas.

— Ne me remercie pas, Il est tout naturel que je veille sur toi, moi aussi.

Yannick entrevit alors la caméra, dans le coin de la chambre.

— S’ils sont en train de m’épier, ils vont bien penser que j’ai perdu la boule, puisque les caméras n’enregistrent pas ta présence, chuchota-t-il.

— Dis-leur que tu rêvais à moi, suggéra Ocelus en descendant du lit.

Il lui adressa un sourire espiègle et disparut. Yannick ramena ses bras sous sa tête. Si un être aussi stoïque qu’Ocelus soupirait enfin d’amour, alors tout n’était pas perdu pour cette planète…

 

 

Lorsque ses agents eurent dormi quelques heures, Cédric les convoqua dans la salle de conférences. Seul Vincent ne fut pas appelé, car il avait besoin de récupérer.

Océane fut la première à rejoindre son chef au point de rencontre.

— Reposée ? L’interrogea Cédric.

— Les matelas de cette base sont plutôt durs, mais quand on est épuisé, il ne faut pas s’en plaindre.

Cindy arriva la deuxième et alla s’asseoir près d’Océane. À leur grande surprise, Yannick entra à son tour dans la pièce.

— Mais qu’est-ce que tu fais ici ? reprocha Océane.

— Aux dernières nouvelles, j’étais toujours un agent de l’ANGE, non ?

— Béatrice Carbonneau ne lui a trouvé aucune blessure interne ou externe, expliqua Cédric.

Yannick prit place le plus loin possible d’Océane, qui le foudroyait du regard. Cédric en vint tout de suite aux faits.

— Où et comment as-tu retrouvé Vincent ? demanda-t-il à Yannick.

— Un homme, qui travaille sur les quais, m’a appelé pour me dire qu’on venait d’abandonner un blessé près des poubelles. Il lui trouvait une certaine ressemblance avec la photo que je lui avais montrée plus tôt.

— Qui est cet homme ?

— C’est un informateur, Cédric. Je ne peux pas te révéler son identité, tu le sais bien.

— L’ANGE n’est pas un corps policier. Nous n’utilisons pas d’informateurs.

— J’ai tenté ma chance, parce qu’aucune autre méthode ne donnait de résultats.

Cédric étouffa sa remontrance.

— Est-ce qu’il avait sa montre sur lui ? l’interrogea Cindy pour désamorcer la querelle qui risquait d’éclater entre les deux hommes.

— Elle était sur le sol près de lui, les informa Yannick.

— Elle fonctionnait ? fit Océane.

— Je croyais que c’était une rencontre stratégique. Pourquoi m’interroge-t-on ainsi ?

— Pour connaître la vérité, intervint Cédric. Mais je vous ai surtout convoqués pour planifier nos prochaines actions. Je veux tout de même que tu me remettes un rapport complet de tous tes récents déplacements.

— Tu l’auras.

— Ordinateur, projetez la photo.

Le visage d’Ahriman apparut sur le mur, faisant frissonner Cindy d’horreur.

— Notre homme de surveillance a pris plusieurs clichés du faiseur de miracles. Voici le plus clair.

— C’est Ahriman ou Arimanius, l’identifia Yannick. Aussi connu sous le nom de Faux Prophète dans les prophéties anciennes.

— C’est lui, l’Antéchrist ? demanda Cindy.

— Non. Satan a confié au Faux Prophète la mission de préparer le monde pour la venue d’Armillus.

— Arimanius, Armillus… il n’est pas facile de s’y retrouver avec tous ces « usse », soupira-t-elle.

— Satan, tu dis ? répéta Océane en relevant un sourcil. On n’est même pas certains qu’il existe.

— Et Dieu, alors ? répliqua Yannick, exaspéré. Ce n’est pas parce qu’on ne peut pas voir ces entités qu’elles n’existent pas.

— Ce n’est pas le moment de débattre de cette question, trancha Cédric. Nous avons un tueur sur les bras, peu importe son nom ou sa position dans l’Alliance. Nous devons le capturer ou l’éliminer.

— Après ce que nous l’avons vu faire, ça ne va pas être facile, fit remarquer Cindy.

— Kevin nous prêtera main-forte, assura le chef.

— Il faut commencer par traquer Ahriman, indiqua Yannick.

— Continuera-t-il à opérer des guérisons maintenant, vu que nous l’avons identifié ? douta Cindy.

— J’en suis certain. C’est par ses bonnes actions qu’il prépare le chemin pour l’Antéchrist.

— Dans ce cas, nous n’avons qu’à relancer la surveillance sur la ville et utiliser tous nos effectifs pour le coincer, suggéra Océane.

— Je suis d’accord, l’appuya Yannick.

La jeune femme lui lança un regard perplexe. Habituellement, il s’opposait à ses idées, juste pour la faire fâcher.

— ON DEMANDE A VOUS REMETTRE UN RAPPORT, MONSIEUR ORLEANS.

— Faites entrer.

Un technicien vint lui remettre quelques feuilles, puis se retira, sans dire un mot. Il avait évalué l’humeur de son patron d’un seul coup d’œil : il était préférable qu’il parte en silence. Cédric se mit à lire le document en marchant le long de la grande table.

— Peut-on savoir de quoi il s’agit ? s’impatienta Océane.

— Les montres de Vincent et de Yannick nous ont fourni de précieux renseignements, dont l’adresse où on a détenu Vincent. Il s’agit d’une maison achetée par un riche Texan, qui séjourne à Sydney en ce moment.

Il remit une des feuilles à Océane.

— Je veux que tu t’y rendes tout de suite avec Cindy et une équipe d’intervention. C’est peut-être notre chance de capturer Ahriman.

— Et Yannick ? s’étonna Cindy en se levant.

— J’ai d’autres plans pour lui, répondit-il en fixant le professeur d’histoire.

Ce dernier garda le silence, ce qui ne lui ressemblait pas du tout. Océane le regarda d’un air inquiet et quitta promptement la salle avec la recrue.

— De quoi s’agit-il ? soupira le vétéran.

— S’il n’émanait pas des meilleurs techniciens du monde, je ne tiendrais pas compte de ce rapport, commença Cédric.

Il le déposa devant Yannick.

— Explique-moi comment tu as réussi à te déplacer de sept kilomètres en deux secondes.

Le professeur demeura muet. Il savait bien que c’était Ocelus qui lui avait permis de franchir aussi facilement cette distance. Cédric alla s’asseoir à l’autre bout de la table. Il croisa ses doigts et en appuya le bout sur ses lèvres, bien décidé à attendre la réponse du vétéran.

— Si j’étais technicien, je pourrais peut-être avancer une explication, mais je suis historien, tenta Yannick. Attendons que Vincent soit complètement remis et présentons-lui ce problème.

— Tu as réussi à sortir de la base sans qu’on s’en rende compte et tu as tout de suite su où trouver Vincent.

— Je me suis adressé aux bonnes personnes, c’est tout.

— Et lorsqu’on t’a signalé qu’il était au port, tu t’y es rendu en quelques secondes à peine… Comment ?

— J’ai pris un taxi. La montre a dû s’arrêter pendant un moment.

Cédric ne semblait pas convaincu, mais il se garda de faire un commentaire.

— Je ne sais pas quoi te dire, poursuivit Yannick, sur la défensive. Je ne comprends pas non plus ce qui s’est passé.

— Plus tôt, aujourd’hui, dans ton lit de la section médicale, tu parlais à un interlocuteur imaginaire.

— Ce n’est pas tout à fait exact : je parlais tout seul.

— À qui disais-tu qu’en couchant avec une mortelle, on perdait ses pouvoirs ? Quels pouvoirs ?

Yannick soupira profondément. Il était presque à court d’arguments.

— De qui dépends-tu pour te déplacer aussi rapidement ?

— Écoute, Cédric, il m’arrive de divaguer, surtout lorsque je suis stressé. Quand je me suis rappelé que je n’étais pas chez moi et que des caméras enregistraient tous mes mots, il était trop tard pour me taire.

— Tu as dit à cet homme invisible que les caméras ne pouvaient pas enregistrer sa présence.

— Évidemment, puisque c’est mon ami imaginaire. Je parie que si nous nous mettions à creuser un peu plus dans la tête des membres de cette agence, nous découvririons que nous sommes tous un peu cinglés.

Cédric observa Yannick sans rien dire.

— Est-ce que je suis congédié ? souffla ce dernier.

— Pas encore. Mais si ce que tu viens de me dire est vrai, je ne pourrai plus te confier d’enquête.

— C’était une plaisanterie !

— Rentre chez toi et repose-toi.

— Je ne suis pas fou, rouspéta Yannick.

— Non, mais la fusillade t’a ébranlé, contrairement à ce que nous avons d’abord cru. Je vais t’obtenir une consultation avec le docteur Tessier.

— Ce n’est pas sérieux ? se fâcha le professeur.

— Est-ce que, moi, j’ai l’habitude de plaisanter ?

Très contrarié, Yannick quitta la salle.

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